Pendant des siècles, l’esturgeon, une espèce de poisson originaire de l’hémisphère nord a été très apprécié pour sa viande et ses œufs transformés en caviar. Le philosophe Aristote mentionnait déjà 350 ans avant J-C que les Grecs consommaient des œufs d’esturgeons dans les banquets. Historiquement, la plupart des esturgeons provenaient de la Mer Caspienne et son fameux caviar principalement de la Russie, du Kazakhstan, de l’Azerbaïdjan et de l’Iran. De nos jours, de nouveaux pays se sont lancés dans l’aventure. La France est par exemple connue désormais pour en produire du coté de Bordeaux. C’est le cas aussi du coté de la Moldavie.
Intéressons nous aujourd’hui à l’usine de caviar « Aquatir » qui produit environ 5 tonnes de caviar noir par an. Elle est située dans la ville de Tiraspol en République moldave de Transnistrie ; un état non reconnu, ayant fait sécession avec la Moldavie et indépendant de fait depuis la chute de l’Union Soviétique en 1991.
Ouvert depuis peu à la visite, Voyages Moldavie a pu voir comment l’or noir est produit étape par étape dans cette région séparatiste russophone située à 1h30 de route de la capitale de Moldavie : Chisinau.
Du caviar chez les soviets !
La visite commence par une visite des bassins où sont élevés les esturgeons. De très grands hangars abritent d’immenses bassins. La pêche de ce poisson à l’état sauvage étant désormais interdite ou strictement régulée, les différentes espèces d’esturgeon (Beluga, Sterlet, Bester, Russe) sont élevées dans de grandes piscines protégées de l’extérieur.
Tout le processus d’élevage est expliqué et il est complexe. Notre guide est affable. Élever un esturgeon dès sa naissance est probablement la partie la plus difficile de tout le processus. Il faut avoir un système de culture approprié et un programme nutritionnel complet avec une attention particulière à la formulation de l’alimentation, un calendrier nutritionnel rigoureux et une température de l’eau optimale pour recréer le milieu naturel d’origine.
Et il faut être patient. Une femelle ne pourra commencer à pondre qu’à partir de 8 ans !
Pour avoir du caviar de haute qualité, les poissons doivent généralement être sacrifiés (bien que de nouvelles techniques de pointe permettent de faire des “césariennes”). Ce n’est pas une mince affaire. Les ovaires sont enlevées et les œufs (appelés « rogue ») son séparés. Il existe deux types de préparation. Le « Malossol » et le « pressé ». Pour le Malossol (un mot russe qui signifie « pas beaucoup de sel ») le caviar est légèrement salé et est le type le plus commun.
Le caviar pressé, lui, est fait à partir d’un mélange d’œufs de différentes espèces d’esturgeons. Les œufs sont chauffés légèrement et pressés dans un linge pour les égoutter. Le pressé est généralement mangé sur des toasts ou blinis (petites crêpes de sarrasin).
Dans les bassins, certains esturgeons âgés font plus de 40 kg. Ces poissons sont impressionnants. Il est possible de découvrir certaines espèces très rares comme l’esturgeon albinos qui vaut à lui tout seul son pesant de cacahuètes. Près de 100 000 dollars l’animal et pratiquement 30 000 euros le kilos d’œufs. Astronomique.
Le visiteur peut s’approcher au bord du bassin pour les admirer. Attention cependant à ne pas trop sortir sa tête, l’animal a tendance à chercher le contact.
A la fin de la visite, c’est l’heure de la dégustation avec une jolie assiette agrémentée de caviar, de tartines de beurre et de filets d’esturgeon fumé. Un délice pour les papilles et pour l’existence. Oui l’existence ! Des bouteilles de vodka Kvint (principal producteur de Transnistrie) et de champagne Cricova (le meilleur de Moldavie) sont sur la table. Après avoir mangé une portion de caviar en prenant son temps pour distinguer chaque saveur… Prenez un shot de vodka glacée.. cul-sec ! L’effet est détonnant… et existentiel.
Selon une étude Opinion Way/ Labeyrie de 2014, environ 59% des français n’ont jamais goûté de caviar de leur vie. Il est temps de s’y mettre, au moins une fois. Et puis comme disait Coluche : Manger du caviar à la louche… Qu’il faut être snob, hein, entre-nous… C’est pas meilleur à la louche 🙂
Auteur: Robin Koskas